mardi 25 septembre 2007

Pensée du jour de Montesquieu

Je n'ai jamais aimé à jouir du ridicule des autres.
J'ai été peu difficile sur l'esprit des autres ; j'étais ami de presque tous les esprits et ennemi de presque tous les coeurs.
La timidité a été le fléau de toute ma vie ; elle semblait obscurcir jusqu'à mes organes, lier ma langue, mettre un nuage sur mes pensées, déranger mes expressions. J'étais moins sujet à ces abattements devant des gens d'esprit que devant des sots. C'est que j'espérais qu'ils m'entendraient ; cela me donnait de la confiance.

Extrait de l'Esprit des Lois

Livre I : des lois en général

Chapitre I

Des lois, dans le rapport qu'elles ont avec les divers êtres

Les lois, dans la signification la plus étendue, sont les rapports nécessaires qui dérivent de la nature des choses; et, dans ce sens, tous les êtres ont leurs lois, la divinité a ses lois, le monde matériel a ses lois, les intelligences supérieures à l'homme ont leurs lois, les bêtes ont leurs lois, l'homme a ses lois.
Ceux qui ont dit qu'une fatalité aveugle a produit tous les effets que nous voyons dans le monde, ont dit une grande absurdité: car quelle plus grande absurdité qu'une fatalité aveugle qui aurait produit des êtres intelligents ?
Il y a donc une raison primitive ; et les lois sont les rapports qui se trouvent entre elle et les différents êtres, et les rapports de ces divers êtres entre eux.
Dieu a du rapport avec l'univers, comme créateur et comme conservateur: les lois selon lesquelles il a créé sont celles selon lesquelles il conserve. Il agit selon ces règles, parce qu'il les connaît; il les connaît parce qu'il les a faites; il les a faites, parce qu'elles ont du rapport avec sa sagesse et sa puissance.
Comme nous voyons que le monde, formé par le mouvement de la matière, et privé d'intelligence, subsiste toujours, il faut que ses mouvements aient des lois invariables; et, si l'on pouvait imaginer un autre monde que celui-ci, il aurait des règles constantes, ou il serait détruit.
Ainsi la création, qui paraît être un acte arbitraire, suppose des règles aussi invariables que la fatalité des athées. Il serait absurde de dire que le créateur, sans ces règles, pour-rait gouverner le monde, puisque le monde ne subsisterait pas sans elles.
Ces règles sont un rapport constamment établi. Entre un corps mû et un autre corps mû, c'est suivant les rapports de la masse et de la vitesse que tous les mouvements sont reçus, augmentés, diminués, perdus; chaque diversité est uniformité, chaque changement est constance.
Les êtres particuliers intelligents peuvent avoir des lois qu'ils ont faites; mais ils en ont aussi qu'ils n'ont pas faites. Avant qu'il y eût des êtres intelligents, ils étaient possibles; ils avaient donc des rapports possibles, et par conséquent des lois possibles. Avant qu'il y eût des lois faites, il y avait des rapports de justice possibles. Dire qu'il n'y a rien de juste ni d'injuste que ce qu'ordonnent ou défendent les lois positives, c'est dire qu'avant qu'on eût tracé de cercle, tous les rayons n'étaient pas égaux.

lundi 24 septembre 2007

Pensée du jour de Montesquieu

J'ai toujours eu une timidité qui a souvent fait paraître de l'embarras dans mes réponses. J'ai pourtant senti que je n'étais jamais si embarassé avec les gens d'esprit qu'avec les sots. Je m'embarassais parce que je me croyais embarassé, et que je me sentais honteux qu'ils puissent prendre sur moi de l'avantage.

vendredi 21 septembre 2007

Pensées du jour de Montesquieu

Je n'ai point aimé à faire ma fortune par le moyen de la Cour ; j'ai songé à la faire en faisant valoir mes terres, et à tenir ma fortune immédiatement de la main des Dieux.

jeudi 20 septembre 2007

Résumé de la vie de Montesquieu


1689 : Charles-Louis de Secondat nait le 18 janvier au château de la Brède. Un mendiant est son parrain afin qu'il se rappelle toute sa vie que les "pauvres sont ses frères".
1700-1705 : Il fait ses études chez les Oratoriens de Juilly.
1708-1709 : Il étudie le droit à Bordeau, puis à Paris.
1711 : Il compose un écrit pour démontrer que les philosophes antiques ne méritent pas d'être damnés.
1714 : Il est reçu conseiller au Parlement de Bordeaux.
1715 : Il se marie avec Jeanne de Lartigue.
1716 : Son oncle lui cède sa charge de président à mortier, tous ses biens et le nom de Montesquieu. Il écrit deux essais, l'un sur la Politique des Romains dans la religion, l'autre sur le Système des Idées.
1717-1721 : Il étudie les sciences et compose des mémoires sur la maladie, l'écho, l'usage des glandes rénales, la transparence des corps...
1721 : Il publie les Lettres Persanes dont le succès est immense et immédiat.
1722-1725 : Il vient à paris et y mène une vie mondaine. Il lit le Dialogue de Sylla et d'Eucrate au Club de l'Entresol et publie le Temple de Gnide. Il se présente à l'Académie, il est élu, mais le Roi refuse son agrément sous prétexte qu'il n'habite pas Paris. Il compose ses Considérations sur les Richesses de l'Espagne, origine lointaine de l'Esprit des Lois.
1725 : Rentré à Bordeaux, il lit quelques morceaux de sa composition à l'Académie de cette ville, vend sa charge et retourne à Paris.
1728 : Il est élu à l'Académie Française.
1728-1729 : Il voyage en Allemagne, en Autriche, en Italie, en Suisse et en Hollande, d'où Lord Chesterfield l'entraîne en Angleterre.
1729-1732 : Il séjourne en Angleterre. Il s'y fait initier à la Franc-Maçonnerie.
1731-1748 : Il travaille à la Brède à l'Esprit des Lois.
1734 : Il publie les Considérations sur les causes de la grandeur et de la décadence des Romains.
1745 : Il lit l'Esprit des Lois à Bordeaux. Publication du Dialogue de Sylla et d'Eucrate.
1748 : Il publie l'Esprit des Lois à Genève sans nom d'auteur. L'ouvrage est très lu. Frédéric II fait quelques réserves et Catherine II, qui le tient pour son "bréviaire", y lisant "qu'un empire étendu suppose naturellement un pouvoir illimité chez celui qui le gouverne", renforce le sien.
1750 : Il répond dans la Défense de l'Esprit des Lois aux attaques des Jésuites et des Jansénistes.
1751 : L'Esprit des Lois est mis à l'Index.
1751-1754 : Il publie Lysimaque et compose pour l'Encyclopédie l'Essai sur le goût, qui paraîtra en 1756.
1755 : Il meurt à Paris, le 10 février.
Dans mes prochains articles, je préciserai d'avantage la vie de Montesquieu : ses amis, ses oeuvres, ses passions, ses amantes, ses voyages...

mardi 18 septembre 2007

Lettres Persanes

LETTRE PREMIERE.
USBEK A SON AMI RUSTAN.
A ISPAHAN.
Nous n'avons séjourné qu'un jour à Com. Lorsque nous eûmes fait nos dévotions sur le tombeau de la vierge qui a mis au monde douze prophètes, nous nous remîmes en chemin, et hier, vingt-cinquième jour de notre départ d'Ispahan, nous arrivâmes à Tauris.
Rica et moi sommes peut-être les premiers, parmi les Persans, que l'envie de savoir ait fait sortir de leur pays, et qui aient renoncé aux douceurs d'une vie tranquille, pour aller chercher laborieusement la sagesse.
Nous sommes nés dans un royaume florissant; mais nous n'avons pas cru que ses bornes fussent celles de nos connaissances, et que la lumière orientale dût seule nous éclairer.
Mande-moi ce que l'on dit de notre voyage; ne me flatte point: je ne compte pas sur un grand nombre d'approbateurs. Adresse ta lettre à Erzeron, où je séjournerai quelque temps. Adieu, mon cher Rustan. Sois assuré qu'en quelque lieu du monde où je sois, tu as un ami fidèle.
De Tauris, le 15 de la lune de Saphar, 1711.